Alain Rémond : Tout ce qui reste de nos vies

vendredi 5 juillet 2013, par Sylvette Dupuy

Seuil, 2013

Alain Rémond, pour nombre d’entre nous l’inoubliable auteur de feue la chronique télévisuelle pleine de drôlerie et d’indignation "Mon œil" dans Télérama poursuit sa quête autobiographique commencée avec Chaque jour est un adieu.

Le point de départ de ce dernier récit est le hangar d’une vieille ferme abandonnée en pleine campagne où il s’abrite de la pluie, lors d’une promenade. Et là, parmi les objets rouillés, se trouvent, jonchant le sol, des papiers jaunis, courriers administratifs, papiers d’identité, relevés bancaires... L’auteur, fasciné par toute cette vie inconnue qui s’offre à lui, se sent tel un cambrioleur honteux et c’est le début d’une réflexion personnelle sur les papiers que nous gardons, qui jalonnent les grandes dates d’une vie. Et qui peuvent finir sur des brocantes, livrés à des lecteurs inconnus, pensée qui lui est intolérable.

Alain Rémond ne supporte pas les morts, les tombes oubliées. On pourrait simplifier et écrire qu’il ne supporte pas la mort. Il veut faire revivre ses parents, son père le mal-aimé, sa mère si courageuse et si digne, élevant dix enfants dans la pauvreté, sa sœur Agnès, suicidée si jeune. Il cite le film d’Henri-François Imbert Sur la plage de Belfast, cette histoire de film oublié dans une caméra achetée dans une brocante que le réalisateur veut à tout prix rendre à ses propriétaires. Et d’autres quêtes similaires. Son indignation vis-à vis des morts oubliés, rayés d’un trait sec sur les registres administratifs va au-delà, vers les si bien-nommés, hélas ! "sans-papiers" qui sont précisément définis par ce qu’ils ne possèdent pas.

Il conclut son livre avec la naissance de son premier petit-fils, porteur d’avenir et de l’indéfectible message : "Pense aux morts, mais occupe-toi des vivants". J’ajoute cette autre citation qui saura parler aux lecteurs de l’APA. "Toute vie est infiniment précieuse, personne ne mérite de voir sa vie ainsi éparpillée, abandonnée, piétinée. Tout ce qui reste de nos vies, ce sont ces vieux papiers. Et ces papiers sont sacrés pour l’éternité."