Arnaud Genon : Mes écrivains

lundi 18 février 2019, par Élizabeth Legros Chapuis

Arnaud Genon : "Mes écrivains - Une histoire très intime de la littérature ou pourquoi j’ai commencé à écrire". Éd. de la Rémanence, décembre 2018, 104 p.

Arnaud Genon s’est fait connaître par ses travaux sur Hervé Guibert et ses écrits théoriques sur l’autofiction. Il nous livre aujourd’hui une autobiographie de ses années de formation comme écrivain, à travers ses lectures. Ces rencontres avec des livres, des œuvres, des écrivains, qui ont jalonné sa vie et qui en fait « [le] racontent ».

Le livre est composé de treize chapitres dont l’intitulé commence, pour onze d’entre eux, par « Comment… », à la manière des romans d’aventures d’autrefois, et pour les deux autres par « Pourquoi… », en particulier le tout dernier, « Pourquoi j’ai commencé à écrire des livres ». Arnaud Genon a sagement rangé les écrivains par ordre chronologique (de leur année de naissance et non du moment où il les a découverts). C’est ainsi que l’on commence par Jean-Jacques Rousseau et Goethe, lectures de jeunesse, du fait que l’on est amené à lire les classiques en faisant ses humanités. Le premier l’inspire à travers l’attachement éprouvé pour sa professeure, Mélanie Demengeot : « Elle était ma Madame de Warens ». Le second lui donne le désir, à l’exemple de Werther, « d’explorer en [lui-même] cette gravité, ce trouble des passions, cette mélancolie qui [l]’habitent… » Mais le romantisme n’a qu’un temps ; le charme est bientôt rompu pour laisser place à « légèreté et insouciance ».

Vient ensuite le roman Jacquou le Croquant, lu pour le cours de français au collège, quand Arnaud a onze ans et que sa mère est mourante (on se souvient du livre qu’il lui a consacré, Tu vivras toujours, éd. de la Rémanence, 2016 – cf. FAR 73 page 75). Ce livre semble avoir été le déclic qui fait que le jeune garçon se met à aimer la lecture. « En l’espace de quelques minutes, je compris le pouvoir de la littérature… » Il s’attache aux personnages et au récit, s’identifie au héros, d’autant plus que la mère de Jacquou, elle aussi, tombe malade.

Avec Serge Doubrovsky et Hervé Guibert, on passe aux auteurs contemporains. Pour Doubrovsky, Genon se livre à un travail de « détective littéraire » sur la génétique des textes, notamment celui intitulé Fils. Quant à Guibert, il le découvre à la faveur d’un article du Monde au moment de la mort de l’écrivain-photographe. « Jamais un livre [il s’agit de À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie] – ce livre qui parlait de la mort – ne m’avait autant parlé de la vie… » Il admire comment Hervé Guibert « a mené son projet autobiographique jusqu’à son terme ». Puis dans les livres de Laurent Herrou, il constate que « le ‘je’ sait parfois être une deuxième personne ».

Le dernier chapitre retrace (peut-être un peu rapidement ? On aurait aimé en savoir plus) le parcours de l’écriture, depuis le premier récit rédigé à huit ans, l’histoire d’un chien errant, en passant par des étapes diverses et des carnets de citations qui deviennent des journaux intimes.

Conclusion : « J’ai quarante-et-un ans. Ce livre, je le ressens alors qu’il se termine, constitue un trait d’union entre les deux pratiques d’écriture qui sont aujourd’hui les miennes. Écrire sur les autres, écrire sur soi, écrire tout court. Mes écrivains, ceux que je lis, que j’ai lus, m’ont, malgré eux, mené à moi, à ce ‘je’ auquel, quoi qu’on en dise, on revient toujours. Ils me font advenir dans ce texte, sinon comme un écrivain, du moins comme un ‘je’ qui écrit. Qui s’écrit. »