Eric-Emmanuel Schmitt : La part de l’autre

samedi 5 mai 2007, par Anne Poiré

Le livre de Poche, 2007 (n°15537)

Bien sûr, c’est un roman. Alors pourquoi en parler ici ? Bien sûr, dans l’édition du livre de poche qui est sous ma main, le texte, inédit, offert en postface, vient contredire la définition même de journal, proposée par Philippe Lejeune : les entrées ne sont pas datées avec précision. D’accord. N’empêche, La part de l’autre d’Eric-Emmanuel Schmitt constitue un ouvrage assez troublant, puisqu’à partir de « 8 octobre 1908 : Adolf Hitler recalé » le récit se déroule, constituant une forme inédite de biographie, celle du monstre, dont nous avons tous découvert les méfaits grâce à nos cours d’histoire, le cinéma, la vie… et parallèlement, le destin totalement imaginaire de celui qu’aurait pu devenir, virtuellement, un autre être, Adolf H., admis à l’école des Beaux-Arts de Vienne, et susceptible d’oser se confronter à ses difficultés, afin de tenter d’y remédier.

Je viens de terminer la lecture de ce roman, et je suis très impressionnée. Surtout, j’ai adoré la fin, ce chapitre ultime où le petit garçon que fut l’auteur apparaît, choqué par les images sur les camps, expliquant ainsi pourquoi il a eu le projet d’écrire ce roman, malgré l’opposition de son entourage. « Juin 1970 », écrit-il, et cette « entrée » me renvoie à quelque chose qui a à voir avec la biographie, le journal, avec l’APA : « L’enfant, c’était l’auteur du livre. » Cette irruption de l’autobiographie en cette fin de roman m’a profondément touchée. J’aime que le montreur de marionnettes vienne saluer, à la fin du spectacle ! D’autant que cette édition du livre de poche contient en postface inédite un extrait du journal de l’auteur (en réalité, des dates sont données, d’emblée, synthétiques, « automne 2000 - été 2001 ») : j’ai vraiment été touchée par cet aveu des difficultés du créateur, au fil du texte, pendant la création de cet ouvrage. Ce journal de l’écriture du roman va droit à l’essentiel, et a plus que contribué à me séduire, en tant que lectrice apaïste.